Une journée sur la Lune – le rapport

Moon regolith human looking around

Ce texte a initialement été publié sous forme d’une série quotidienne de posts sur LinkedIn. Ils sont rassemblés ici dans la forme intégrale dans laquelle ils ont été écrits à l’origine (avant d’être découpés en petits articles facilement ingérables jour après jour sur le réseau social).

[Spoiler Alert] Le prochain article lève le voile sur les dessous de cette narration.


Tout ce qui suit est l’exacte vérité de cette folle journée lunaire du 4 avril.

Ce que nous avons vécu est probablement difficile à croire. Je comprendrais que ce que vous vous apprêtez à lire soit inacceptable.

Je vous propose de garder l’esprit ouvert (de lâcher prise, de suspendre votre incrédulité [comme le dirait l’ami Nicolas Minvielle], de vous laisser porter).

D’ailleurs, j’ai des témoins fiables : tous les collègues de l’équipe AD-WAIBE de David Arneau et les fabuleux Way4Space (ainsi que les experts [venant d’organisations bien connues] qui ont fait le voyage avec nous) : c’est vous dire si mon témoignage est fiable.

L’auteur remercie sa société Future Path de lui avoir offert cette « learning expédition »  : avec un nom pareil, c’est déjà un gage de fiabilité, non?.

N’hésitez pas à demander à tous les co-équipiers leur version.


Première partie du rapport du visiteur lunaire FP#01

Avec mes co-équipiers, nous venons donc de passer une journée sur la Lune. C’est la pure vérité. Le preuve : c’était le 4 avril 2024 et je suis de retour sain et sauf 😌

Ce qui pourrait passer pour incroyable et serait de nature à rendre suspecte cette histoire, c’est que nous étions en 2054, le 4 avril 2054! Et pourtant, ça aussi c’est vrai. Le preuve : je vais vous raconter ce qu’on a vu!

Nous avons vu la vie là-bas : l’organisation que les humains ont mise en place, leurs activités foisonnantes, leurs constructions, leur manière d’habiter la Lune, les transports qui facilitent leur vie… Ils ne sont pas nombreux (pas de chiffre officiel mais probablement entre 50 et 150 permanents) et ils forment une vraie présence lunaire, soudée et solidaire. Très loin de ce qu’une certaine SF a dépeint pendant longtemps.

Habiter (au sens profond, celui de faire corps avec) est vraiment le terme tant les femmes et les hommes de la Lune semblent transformés dans leur vie lunaire. Plus fatalistes et plus respectueux de la vie que sur Terre, plus organisés et plus détendus. Difficile de retranscrire ces émotions ici, mais c’était indiciblement palpable.

lunaire exploitation mining human
Petit bizutage sur la Lune : enfoncer une barre métallique dans le sol avec tout le barda sur soi

Un point qui nous a marqué durant le voyage et à notre arrivée réside dans les transports mis en place. Tant dans les liaisons Terre-Lune dans les deux sens que la facilité de déplacement sur la Lune quelque soit la distance. Et la distance est au rendez-vous là-haut : entre le Pôle Sud (la base de Shackelton est déjà envisagée en 2024, mais en 2054, c’est vraiment quelque chose à visiter – je vous conseille vivement d’y faire un tour avec vos viz-glass pour vous immerger. Ah, mais j’oubliais, en 2024, vous n’avez pas encore de viz-glass, ça n’arrive qu’en 2030 de manière pervasive) et le centre de la fameuse face cachée de la Lune, il y a tout de même plus de 2500km… (et pour mémoire, la dernière fois que les humains avaient été sur la Lune dans les années 70 du siècle passé, ils se déplaçaient à peine à plus de 10km/h). C’est donc une effervescence incroyable de mobiles qui se déplacent, pour de courts trajets et pour de plus longs. Nous n’avons pas eu le temps d’expérimenté les transferts balistiques lunaires, mais il parait que c’est impressionnant et … remuant. J’ai hâte d’y retourner pour tester.

Deuxième partie du rapport du visiteur lunaire FP#01

Ce qui nous a particulièrement fasciné, c’est la manière d’utiliser le régolithe lunaire. Ce que le naïf prend pour de la poussière, possiblement gênante dans un environnement à faible gravité (ça retombe tout doucement une fois en l’air), peut devenir un formidable atout.

Il me semble qu’en 2024, on n’en connait assez peu sur ce qui recouvre la surface de la Lune. En revanche, en 2054, il en est fait un usage intensif qui témoigne d’une compréhension profonde de cette ressource lunaire.

moon spacesuit astronaut shovel regolith
Ils ont été sympas, ils m'ont prêté une pelle pour faire joujou avec le régolithe

Ce n’est certainement pas arrivé par hasard. Il est probable que les humains (sur Terre) aient réalisé qu’il était fondamental d’en comprendre les propriétés avant d’investir la Lune. Parce qu’en 2054, ce que nous en avons vu dénote d’une science du régolithe féconde et d’une ingéniosité profonde. Et je n’arrive pas réaliser le saut quantique de connaissances qui a été réalisé en 3 décennies. Comment ont-ils pu faire depuis la Terre?

moon vehicule indoor tunnel fiction
Photo volée : j'ai réussi à prendre en photo une des entrées de l'usine Tellu4X (mais que peut-elle bien abriter?)

Nous n’avons malheureusement pas pu approcher de la mystérieuse usine Tellu4X qui est un gros consommateur de régolithe. Cependant, notre guide nous a livré l’origine du nom de ce lieu : Tellu pour tellurique et 4 pour la place dans le sytème solaire. Ce qui donne la planète Mars. Quant au X, nous en avons conclu qu’il était là pour exploration, à moins que ce ne soit une référence à une société privée… Alors comment cette usine, qui préparerait donc une expédition martienne depuis la Lune, se retrouve-t-elle à ingérer des quantités massives de régolithe? Et surtout pour quoi faire? Il n’y a pourtant personne sur Mars à qui vendre cette ressource… À moins que… bon je garde mes conjectures pour moi de peur de dire de grosses âneries.

Troisième partie du rapport du visiteur lunaire FP#01

Un autre constat surprenant est notre manque d’enthousiasme pour les technologies déployées sur et autour de la Lune en 2054.

Alors que nous étions entourés d’avancées technologiques que beaucoup auraient aimé posséder dans les années 20, notre attention était focalisée ailleurs.

Ce sont les activités que ces technologies rendaient possibles qui retenaient notre attention, tout autant que ce merveilleux balai de déplacements que nous pouvions observer à l’extérieur (des déplacements sur la surface lunaire, des transferts vers l’orbite de services, des sauts de puce entre deux points de la Lune).

moon earth view flying objects fiction
Photo fournie par nos hôtes lunaires : je pense que c'est une blague de leur part... (les ailes ne sont pas vraiment utiles sans atmosphère - bien tenté!)

C’est proprement incroyable que, compte-tenu de la nature hyper technique de notre groupe, nous ne nous soyons que très peu intéressés à ces technologies déployées. Nous avons tellement été captivés par ce que nous avons observé, ressenti, pratiqué comme nouveaux usages que nous avons presque oublié de descendre au coeur de ces prouesses d’ingénierie (si on met de côté, trois de nos co-équipiers qui ont quand même réussi à se pencher sur ces petits bijoux technologiques uniques – ils vous en parleront sur un autre canal naturellement car je crois qu’ils ont rédigé un rapport complet).

moon spacesuit fiction screens indoor secret zone
Sas d'entrée dans la zone confidentielle (activités militaires? recherches secrètes sur de nouvelles propulsions? biologie lunaire?)

Comment avons-nous réussi à conserver notre attention concentrée sur ce que permettaient ces technologies sans nous laisser happer par elles? Alors que sur Terre, dans les années 20, il faut déployer des trésors d’imagination pour aider les participants d’un atelier d’innovation à ne pas se focaliser exclusivement sur la technologie future, là, il a fallu un « simple » saut dans le temps et l’espace pour adopter un comportement d’innovation radicale. C’est peut-être une piste pour mes projets avec mes clients…

Quatrième partie du rapport du visiteur lunaire FP#01

Ceci est l’avant-dernier rapport et il faut aborder certains sujets un peu plus sensibles.

Durant cette fantastique visite, deux trois trucs nous ont laissé sur notre faim : nous n’avons pas réussi à percer le mystère de la gestion des déchets, de la réutilisation et plus largement de l’économie circulaire mise en place.

D’ailleurs, à propos d’économie, notre comité d’accueil a été bien avare sur comment tout cela a pu se réaliser, qui a financé, qui en tire des profits et lesquels, s’agit-il d’oeuvrer pour le bien commun ou alors le mercantile terrestre a-t-il déjà pris possession de la Lune (ou pire, l’a amplifié). Impossible d’aller au-delà de la réponse elliptique: « cela a pris du temps et de l’argent, mais nous avons réussi ». Ce qui est, on l’a bien compris, une jolie pirouette pour ne pas satisfaire notre curiosité.

moon 2054 fiction datacenter
Un ℂathy-center sur la face cachée : sous abri mais à température extérieure...

Un élément que nous considérons comme vital déjà en 2024, c’est ℂathy. Oups pardon, l’IS/IT. Il m’a fallu moins de 24h pour oublier notre vénérable IS/IT que l’on traine depuis longtemps. Ici et en 2054, ça s’appelle ℂathy pour CKT : Computing, Knowledge and Telecommunication. Adieu le « Information » et vive le « Knowledge ». Et ce qui est intéressant c’est le poids donné au fait de posséder des facultés de calculs puissantes sur la Lune. Même une petite latence de telco n’est pas acceptable, et encore moins une dépendance aussi critique à ce qui pourrait arriver sur Terre (cf notre dernier point). On utilise beaucoup le froid naturel (celui des cratères ombragés sur la face visible ou les zones habitées de la face cachée) pour refroidir le computing (et ça rend de grands services à l’informatique quantique locale…)

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La salle de contrôle de ℂathy (du moins celle visitable par nous...)

Par ailleurs, il faudrait que nous y retournions pour mieux appréhender les travaux scientifiques menés sur place. Car les labos sont mutualisés et leur allocation aux chercheurs tient compte de la nature de leurs travaux et de leurs besoins en lumière naturelle. Je n’ai passé que 24h sur la Lune, mais c’est loin d’être une journée lunaire : mon séjour aura duré moins de 10% d’une journée lunaire (une journée lunaire débute par une période diurne de 14 jours [14 x 24h terrestres donc] suivie d’une nuit de durée égale – ah et un petit détail croustillant : la journée, il fait 130°C et la nuit -170°C, en fonction des régions). Les recherches tiennent donc compte de ces contraintes. Un exemple? On étudie le fait de faire pousser des plantes avec un éclairage naturel permanent pendant 14 jours (il parait que certains font déjà cela sur Terre, à l’abri des regards, avec un éclairage artificiel pour obtenir une molécule nommée THC…). Je ne répondrai pas à la vôtre : est-ce que vous avez vu de telles cultures dans les labos ?

Ce qui nous conduit au dernier sujet : qu’en est-il de la gouvernance de la Lune? Quelle géopolitique ? Quel lien avec la Terre ? Quelle influence les relations géopolitiques terrestres ont-elles sur la vie lunaire ? Peut-on y devenir propriétaire (qui, comment, combien de temps, …) ? La Lune a-t-elle atteint une forme d’autonomie, d’indépendance politique ? Comment se répartissent les responsabilités de productions vitales : énergie, nourriture, air, eau, ℂathy ? Comment fait-on respecter les normes, réglementations et lois? D’ailleurs y a-t-il un Droit lunaire spécifique? Y a-t-il des crimes sur la Lune ? Il semble que tout cela s’organise de manière relativement harmonieuse et que les dissensions ou conflits terrestres n’aient pas beaucoup d’impact sur la Lune – pour combien de temps encore cet esprit pionnier et solidaire va-t-il durer?

Fin du rapport du visiteur lunaire FP#01

J’en ai terminé avec ce rapport informel de notre visite expresse sur la Lune en 2054 (enfin par « expresse », il faut bien comprendre que le trajet aller prend tout de même 3 jours, idem pour le retour). Même dans les conditions de 2054, cette forme de « learning expédition » demande du temps et un minimum d’entrainement préalable (le schéma ci-dessous illustre les trajets – ce n’est pas à l’échelle of course – merci à Éloïse Groussard)

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Schéma d'un A/R Terre-Lune (vu par ma co-équipière Eloïse Groussard)

Certaines rumeurs rapportent qu’ils auraient réussi à considérablement raccourcir cette durée, mais cela fait encore partie des sujets pour lesquels nous n’avons pas réussi à obtenir de réponse complète de la part de nos hôtes. Et pourtant, nous avons découvert un module-usine bien caché marqué d’un gros 24hC. Un technicien, avec qui nous avions sympathisé lors du repas, nous a glissé qu’il était dédié à la mise au point finale d’une propulsion révolutionnaire. Une collègue malicieuse m’a alors soufflé à l’oreille que ce nom se décryptait en « 24 heures Chrono » . Je n’arrive pas à croire qu’une référence télévisuelle vieille de 50 ans puisse être fortuite. Se pourrait-il donc que 24hC qualifie la durée de… mais non, je m’égare, c’est impossible…

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Fascinante et intrigante intrication quantique

Avant de retourner sur Terre à notre époque, nos hôtes nous ont livré une anecdote amusante. Il semblerait qu’au démarrage du projet (lors d’un Atelier en Avril 2024), certains se sont pris à imaginer de raccourcir la durée des communications Terre-Lune (qui est en gros de 3 secondes pour un « round trip »).

Les plus imaginatifs envisageaient une forme d’intrication quantique (la fascination magique et intrigante de l’intrication quantique)! La légende qui court en 2054, c’est que ces esprits féconds auraient été très largement influencés par la lecture de l’excellent livre « Le problème à trois corps » de Liu Cixin (ou sa version télévisuelle). Cela continue de les faire beaucoup rire, même 30 ans après ce fameux Atelier.

Une chose est certaine : les humains de 2054 ont gardé leur humour, au moins sur la Lune.

Merci de votre lecture de ce long rapport.

P.S. : Je crois que l’auteur aura encore un petit mot à ajouter prochainement, une forme de postface qui lève le voile sur cette équipée lunaire mystérieuse…


Future Path remercie l’auteur pour ce rapport de mission sur la Lune en 2054.

L’article suivant, en forme de postface, décrypte ce qui se cache réellement derrière cette équipée lunaire fictionnelle…

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